laptitesandrou

Je vais entrer directement dans le vif du sujet.

Le père de ma mère, donc en théorie l'un de mes deux grands-pères, est décédé.
Je ne réclame pas de condoléances.

Il a renié ma mère, elle ne l'a pas revu depuis quarante ans, et lui n'a jamais voulu faire ma connaissance d'ailleurs (mais il a réclamé mes cousins par contre, il y a quelques années). Je sais même pas comment il s'appelle. Bref.

En fait, ma mamie a appelé à 21h30, chose inquiétante, parce qu'elle avait déjà appelé hier, et que son heure habituelle c'est 20h. Comme d'habitude, j'ai pas répondu, ma mère était pas là, puis je réponds jamais au téléphone, surtout si c'est ma grand-mère (mon excuse : elle est pénible...).
Quand j'ai vu le répondeur rester longtemps en mode enregistrement, je me suis dit alors que c'était sûrement grave.

Et quand j'écoute le message, j'entends qu'elle annonce à ma mère que sa copine Alerte lui a téléphoné, et que mon grand-père était "mort et enterré depuis mercredi" et qu'elle n'avait "pas du tout été mise au courant avant".

Je reste neutre au fond de moi, ma cervelle et mon coeur ne réagissent pas plus que ça. Ma seule inquiétude, c'est... ma mère n'est pas à la maison, et il faut que je lui annonce. Sachant qu'elle haïssait mon grand-père, je savais plus ou moins comment elle réagirait. Mais c'est aussi ma mère, qui est sensible sous sa carapace, et je savais aussi comment elle réagirait de A à Z. Est-ce que je devais lui annoncer ça maintenant, à 21h30 du soir ? Ou demain dans la journée, quitte à lui pourrir sa journée de TAF, ou bien le découvrirait-elle le soir à son retour ?

Je n'avais pas envie d'attendre, alors je l'ai appelé.
J'étais confrontée à un problème... Comment lui annoncer ça ?

J'ai décidé de rester neutre... Je savais qu'elle se fichait (en apparence) de sa mort, donc je lui ai annoncé un "voilà, je sais pas comment te le dire, ni si je devais te le dire maintenant... mais Mamie a appelé pour te dire que ton papa est mort et enterré depuis mercredi" (j'ai repris les mêmes mots que Mamie).

Première réaction, que j'attendais : "OK. D'accord. Mais ça me fait rien du tout."

Elle s'inquiète ensuite pour moi, et là, je sens ma voix trembler pour la première fois, mais je lui annonce que, nonon, moi ça va.
Et je lui dis "et toi, ça va ?"

Un silence, et là, la deuxième réaction que j'attendais aussi : "Oui, oui", de la voix de celle qui va se mettre à pleurer. Elle me redis qu'elle s'en fout.
Je sais "Oui, je sais que tu n'avais plus de lien, mais quand même... c'est ton père".

Bref.

Je sais qu'elle a pleuré.
Et moi, quand j'ai raccroché, j'ai pleuré aussi.

Mais pourquoi ?! Ce type, je ne le connais(sais) pas ! Je n'ai même pas un bon avis sur lui, vu qu'il a renié ma mère, et tout et tout... 

C'est juste que c'est étrange que cet homme, qui ne me fait pas partie de ma vie à proprement parler, m'affecte par sa disparition. Peut-être parce qu'il fait partie de mon arbre généalogique, que ça reste mon grand-père, et que le pire dans tout ça, c'est que cette personne de ma famille, eh bien, je ne l'ai jamais connu. Et je n'en aurai plus jamais l'occasion.

Enfin voilà.

Départ pour l'Ardèche - J-1.

Dimanche, c'est mon dernier jour de boulot. La plonge, c'est fini.
Ça vous surprend peut-être, mais sachez que la plus surprise (et la plus en colère), c'est moi.

Parce que je pensais que mes patrons me renouvelleraient naturellement pour l'hiver comme l'an dernier.
Ben non.

Ils ont décidé de me REMPLACER. Par un nul.
Un nul débutant, c'est normal parce qu'il est débutant. Mais c'est un débutant qui est nul, voilà. Je ne lui prête aucun éloge, j'étais là à son essai, j'ai essayé de le former, mais le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas inventé la poudre à canon, qu'il pianote sur son iPhone et regarde le foot à la télé au lieu d'essuyer la plonge. 

Je ne le vois pas progresser.

Et je ne comprends vraiment pas pourquoi on a décidé de m'arrêter. (Un coup de la patronne, j'en suis sûre, suite à ces reproches sur mon rythme cet été). Ok, j'étais lente, mais j'ai eu une année difficile, et les serveuses n'étaient pas performantes.

Mais le plus décevant dans tout ça, c'est que j'ai toujours été là pour eux, et si je suis même pas en M2 aujourd'hui, c'est parce que je bossais au lieu de réviser... et aujourd'hui, et bien ils ne sont pas là pour moi alors que je suis au chômage. Voilà. (Mais ils vont le regretter amèrement, vu l'incompétent qui prend ma place).

Bref. Il faut tourner la page, et on ne me reprendra plus sur mes futures priorités, Malo avait raison sur ce point, je n'ai pas su voir le plus important un seconde. 

C'est donc mon dernier dimanche, mais aussi celui de Monsieur. Jeudi prochain, juste après la révision de la Yaris, nous partons dans le sud de l'Ardèche, et roalalala, j'ai hâte. Je rêve de ces vacances depuis que je suis dans le fin fond de ma plonge, toute dégoulinante de sueur.

Sinon, que dire de plus ?

- Monsieur a parlé de PACS, mais il n'en est rien pour le moment (parce que ça pourrait me discriminer à l'embauche, et j'ai assez de mal à trouver un taf).
- Un ami à lui est revenu d'Angleterre, et comme je ne l'avais jamais connu (il est parti au même moment où on s'est mis ensemble), et ben ça y est, il faut rattraper le temps perdu, donc ce soir bowling (je dé-tes-te le bowling, mais je vais pas chipoter parce que c'est le premier vendredi soir que j'ai depuis... des lustres).
- On a dépassé le stade des 3 millions de chômeurs. Ne me remerciez pas, c'est moi le 3 millionième, je me suis inscrite au Pôle Emploi la veille de l'annonce fatidique.
- Je suis obligée de (re)changer de régime de Sécurité sociale, et bonjour le bordel, je vous raconterai très prochainement mes déboires avec l'administration, je sais que ça vous avait manqué.

Et sur une note plus rigolote (enfin, moi ça me fait pas rire du tout, ça me gêne plutôt terriblement), j'enchaîne les bourdes avec la mère de Florent - qui est adorable, soit dit en passant mais... Euh comment dire...

Voilà, je me suis toujours pas remise d'être descendue aux toilettes, toute nue, enroulée dans une couverture décorée de pattes de chat, les cheveux en vrac sur ma tête... sans savoir que y'avait justement sa mère dans le salon et que donc, oui, elle m'a vue comme ça. J'ai hésité entre remonter à toute vitesse et me planquer sous la couette, ou terminer mon périple jusqu'aux vécés avec toute la dignité qu'il me reste, et rester enfermée à jamais dans les waters, tellement j'étais honteuse.

SANDRA : AH LA HONTE LA HONTE LA HONTE ! MAIS TU M'AVAIS DIT QU'ELLE ÉTAIT PAS LA ! MON DIEU ! LA HOOOOONTE !
FLORENT : Bon, je me suis trompé. Mais c'est pas grave.
SANDRA : MAIS SI ! 
FLORENT : Tu lui as juste montré que tu m'aimais très fort.

Bref. C'est en enchaînant les bourdes avec Belle-Maman (oui, y'en a eu d'autres, mais je tairai le reste), que je me dis qu'au moins, je ne pourrais plus jamais avoir honte pour quelque chose de moins pire... que de me faire voir toute nue sous une couverture.

Faut trouver du bon dans tout.

Je commence à mettre la pression à Florent, parce que c'est pas tout, mais on part en gros week-end dans deux semaines, et on a TOUJOURS PAS réservé. Je ne serai pas tranquille tant que je n'aurai pas la certitude d'avoir mes 4 jours en Ardèche.

Sinon, je devrais parler de mon anniversaire, mais en fait, il y a peu à dire.
J'ai eu 23 ans, mais ça va, je le prends pas si mal que ça. Ce sera pire pour mes 24. 
Puis, si je le vis bien, c'est AUSSI parce que la SNCF va prolonger la carte 12-25 à 27 ans, donc on va dire que je me sens encore en sécurité. Loin de la vieillesse éternelle (mes excuses pour l'outrage fait à mes lectrices trentenaires).

Je sais que tout le monde voudrait savoir ce que j'ai eu comme cadeau (c'est ce qu'on attend tous en fait). Donc je vais faire court :

- Mon frère a laissé ma belle-soeur s'en charger, ce qui fait que j'ai eu 9 mini-vernis à ongles Yves Rocher, avec le dissolvant et le stylo correcteur. Ma mère a fait une syncope et m'a littéralement interdit d'acheter un seul vernis de plus, sous prétexte que ma trousse est pleine à craquer.

- Malo s'est rendu au 36, quai des Orfèvres, 75001 Paris (oui, j'en ai été malade), en pass VIP (oui, j'ai beaucoup pleuré), elle a monté les 136 marches jusqu'à la Crim (oui, j'ai tapé des pieds quand j'ai su), et outre les divers ateliers où elle a appris entre autre à relever les empreintes digitales, et pour me consoler, elle m'a offert le bouquin d'un ancien patron de la Crim DÉDICACÉ. Roh le rêêêêêve. Si avec ça je replonge pas dans l'écriture, ben, je crois que je ferai mieux de me suicider.

- Sephora m'a offert une crème hydratante, et CCB une bracelet bidon, et j'ai dû passer une commande pour le recevoir. Bien entendu, j'ai fait tout ça dans le dos de ma mère, et elle ne saura JAMAIS qu'un colis a été livré aujourd'hui pour moi.

- Ma jolie montre a lâché au printemps. J'ai jamais réussi à en trouver une aussi fine et jolie, donc je me suis procurée la même sur Internet (Maman devrait la prendre en charge).

- Je devrais recevoir des sous de mon père.

Et pour ceux qui me demandent "et Monsieur ?". Ben justement. MONSIEUR JE NE SAIS PAS.
Parce que lundi, j'ai eu droit à "ton cadeau est en commande, tu l'auras pas aujourd'hui". DONC JE NE SAIS PAS, ET ÇA ME REND MALAAAADE.
Il veut aussi m'offrir les vacances, mais là, je suis pas trop d'accord, donc ça va fighter grave au moment de la réservation.

Sinon, mes journées sont mornes.
J'en suis même venue à acheter des magazines féminins pour m'occuper l'esprit (Cosmo, Biba...). Et en parallèle, je lis Liaisons Sociales (bien loin de la mentalité de Cosmo et Biba, on est bien d'accord). J'enchaîne Kiné, Disney Channel et clarinette (la rentrée, c'est lundi prochain).

Voilà.

Ah, et je me suis essayée au "nail art". BEN Y A ENCORE DU BOULOT LES AMIS.

L'année dernière, en septembre 2011, j'ai voulu croire à beaucoup de choses.

J'ai voulu croire que reprendre les études m'aiderait à grandir, à voir d'autres perspectives professionnelles.
J'ai voulu croire qu'en ayant acheté une voiture neuve, je partirais du bon pied dans la vie, que cette voiture-là serait témoin de mes débuts dans la vie active, peut-être même dans la vie de famille. On voyait le long terme, elle et moi.
J'ai voulu croire que je pourrais construire petit à petit quelque chose avec Florent.

Bref. J'ai voulu croire à beaucoup de choses.
Depuis le mois de juin, tout ce que j'essaie de construire, la vie me le démolit. Elle saccage mes espoirs. Elle me détruit tout. J'essaie de rassembler les morceaux, mais elle m'empêche de tout réparer et je me rends à l'évidence : tout est irréparable.

Ma dernière année d'étude, j'y ai dit adieu. Bien sûr, j'ai encore un dossier de second recrutement en cours à Lyon 2, mais étant donné qu'ils m'ont refusé déjà une première fois en juin, je doute que tout ça aille très loin.
Je suis donc amputée à Bac+4, et un Bac+4 n'a pas lieu d'être sans le +5. J'ai beau cherché les portes de secours, il n'y en a pas, tout est désespérément noir. Ce qu'il me reste ? Un boulot de plongeuse qui sera bientôt à temps très partiel, Pôle Emploi et des tas de futurs entretiens d'embauche qui me mèneront à l'échec, encore.

Florent et moi, nous avons voulu croire que je serais prise quelque part, en M2, et qu'on s'installerait ensemble. Ça non plus, ça n'a plus lieu d'être. Vu que tout tombe à l'eau, et qu'on va forcément pas payer un loyer pour rester au même endroit, hein, autant rester chez nos parents.

J'ai voulu croire à une voiture sur le long terme, la vie me l'a volée. Je roule désormais en occasion, et je ne fais plus partie des 30 % des Français qui roulent en voiture neuve. 



Combien de temps travaillons-nous sans rien recevoir ?
Lui, cumulant deux jobs à la fois depuis deux ans, travaillant 7 jours sur 7, et 16h par jour en ce mois d'août ?
Moi, enchaînant fac, TER, plonge, mémoire, partiels, stage sans un jour d'arrêt ?
Depuis quand sommes-nous toujours disponibles pour nos obligations, pour les autres, pour nos patrons SURTOUT, sans que l'on puisse profiter d'être ensemble ? Encore combien de temps allons-nous devoir supporter nos patrons et collègue de travail s'étonner, se poser des questions, sur notre fatigue ?

Oui, parce que "depuis que Sandra et Florent disent prendre des vitamines, ils sont encore plus fatigués qu'avant", "Sandra ça va ? Je voulais te voir, parce que t'as vachement baissé le rythme à la plonge et qu'on est obligé de venir t'aider dans des moments où t'en as pas besoin normalement. Fais quelque chose, mange sainement, dors", "Bah alors qu'est-ce que t'as, t'as l'air fatiguée ?".

Pourquoi personne ne comprend pas qu'on est arrivé aux sommets de nos forces ? Que Florent est EXTÉNUÉ et que je suis LASSÉE ?!
N'avons-nous pas le droit, la légitimité, de faiblir ? Le rythme qu'on a n'est-il pas une raison suffisante ?

Ce genre de réflexions, ça va un peu, mais au bout d'un moment, c'est trop. Surtout quand on nous dit ça, alors que d'autres du boulot vont faire la fête tous les soirs, et n'ont montré aucun signe de fatigue depuis le début de la saison. 


Nous rêvons de couper les téléphones et de partir une semaine en vacances, de vraies vacances, rien que tous les deux.
Il y a l'espoir que ça se fasse cet automne, mais il y a aussi la vie qui peut décider de tout foutre en l'air au dernier moment, comme elle en a pris l'habitude depuis quelques mois.

C'est pour ça que Florent n'y croit pas, à nos vacances. Mais moi, à l'heure d'aujourd'hui, c'est tout ce qu'il me reste.